Illerion Araël

Froid. Humide. Noir.
Où suis-je? 
Les pensées du jeune homme se mêlaient, dans le désordre mental qui le rendait si distrait aux yeux des autres. Il le savait. Il l'avait toujours senti, cette répulsion et cette crainte qu'il inspirait aux autres. Mais il n'en avait pas grand-chose à faire. Il n'était pas très attiré par le contact humain, , qui l'effrayait plus qu'il ne pouvait lui apporter. Il savait toujours ce que pensaient les autres de lui. Et il n'aimait pas ce qu'il lisait dans les yeux des autres.
Dans le petit village où il avait grandi, personne ne se souciait vraiment d'un gamin comme lui, surtout aussi bizarre que lui. Il avait juste vécu hors de la société, comme dans un autre monde. Un univers parallèle, où il pouvait voir les autres, mais où personne ne pouvait le voir. 
Douleur. Déchirement.
Qui suis-je?
Il avait passé son adolescence dans le même village, à observer. Il avait tenté de comprendre comment cette société pouvait évoluer de cette manière, si superficielle.
Pourquoi se préoccuper de choses si matérielles? Si terre à terre? Ils ne se demandaient jamais d'où ils venaient, où ils allaient. Quel était leur rôle dans l'univers. Tout ce dont ils se préoccupaient, c'était de ce qu'ils allaient manger le soir. Il avait appris à comprendre leur méthode de pensée. A la connaître, sans la partager. Il était... hors de leur mode de vie.
Solitude. Malaise.
Où vais-je?
Le début de son âge adulte s'était passé un peu moins bien que le reste. Les autres enfants ne faisaient plus que le charrier. Ils le bousculaient. En prenant de l'assurance et de l'âge, ils avaient commencé à surpasser la crainte qu'il leur inspirait. 
Un jour, ils avaient décidé de le bousculer un peu plus que d'habitude. Ils l'avaient attendu, en bande, et l'un d'entre eux lui avait jeté une pierre.
Le jeune homme l'avait reçue en plein visage et la pierre avait marqué son visage d'une longue entaille sanguinolente.
Illerion avait senti la rage l'envahir et aussitôt le vent s'était levé. Un vent colérique, violent, une bourrasque terrible qui avait balayé les ordures à terre. Les jeunes tourmenteurs s'étaient regardés et étaient rentrés dans leurs maisons, inquiets. Les tornades n'étaient pas rares dans la région, et elles étaient souvent destructrices pour les petites maisons en terre du village. Le jeune homme était resté planté là, au milieu du chemin, hypnotisé par les bourrasques violentes.
Une odeur de soufre. Un délicat filet de vent.
Que suis-je?
Le jeune homme avait été emporté par une bourrasque. Pas de manière violente et destructrice. Comme porté par une main amicale, l'emmenant là où il devait être. Comme s'il volait. Il était tombé dans une crevasse, dans le sable. Une immense grotte souterraine, remplie de quartz et de granit. Il s'était blotti dans un coin et avait fermé les yeux. Il avait repensé à sa vie. A ce qu'elle était et ce qu'elle allait être.
Changement. Opportunités. Chaleur.
Où sommes-nous?
Un petit mouvement au fond du coeur. Un petit grésillement, une petite chaleur au fond de l'âme.
Une étincelle.