« Regardez la qui danse en marchant !
_ Oui on sait Jérémiah, tu nous l’as déjà dit, on connait la chanson par cœur, mais tu sais, on a des yeux on a vu qu’elle est mince élancée. Sans doute ses courses dans la forêt… D’ailleurs, il faudra un jour que quelqu’un lui dise d’arrêter de passer devant toi…
_ Et ses cheveux tu as vu ses cheveux on dirait un étendard de feu.
_ Disons que c’est une jolie rouquine qui ne se coupe ni ne s’attache jamais ses boucles… On se demande comment elle fait quand elle court la montagne et les bois… D’ailleurs elle ferait mieux de se séparer un peu de son étui à flûte on dirait qu’il lui est greffé !
_ Un peu jalouse non ?
_ Moi ?! Certainement pas ! Non mais regarde-la !
_ Avoue que peu ont les mêmes yeux verts et ce sourire… La douceur de ses trait et son teint de pêche
_ Ah ! Ah ! Et tu vas me dire que le reste de ses courbes te laisse indifférent !
_ Pas du tout. Je te le dis elle est divine
_ Elle le sera peut-être quand elle saura s’habiller. Ses éternelles tenues fendues soit disant pour être plus à son aise… Les bras et les épaules nus… Ah ça c’est sûr les garçons vous aimez ça ! Et elle pourrait varier les couleurs tout de même toujours du vert et des ocres !
_ Et sa voix son talent à la flûte tu as quelque chose à y redire ? D’ailleurs son cou et ses bras justement ont une telle grâce lorsqu’elle joue qu’on dirait qu’elle berce sa flûte
_ Tssss Je ne vois pas ce qui t’impressionne là… Tu »
Mais Alvanyannni venait de rentrer chez elle, Jérémiah haussa les épaules et tourna les talons.
Elle regarda vers le soleil derrière la visière de sa main. Il commençait à décliner sur l’horizon, et un rocher flottant passa devant lui. Il était temps de rentrer. Elle rangea sa flûte dans son étui qu’elle attacha dans son dos tel l’épée d’un guerrier, guerrier bien inoffensif dont le seul crime était de tenter de capturer les harmonies sonores de la nature. Depuis que son maître de musique avait rejoint la grande partition comme il disait elle ne pouvait compter que sur elle pour se perfectionner grâce au souvenir des conseils du vieil homme. Certains disaient qu’il avait fréquenté les elfes mais cela faisait beau temps que personne n’en avait vu sur Haerokya. A son souvenir elle sourit alors qu’elle dévalait la pente de la montagne en sautant au-dessus d’un torrent. Elle arriva bien plus vite qu’aucun autre habitant du plan n’aurait pu le faire à proximité du village. Elle se saisit d’un énorme maillon d’une « chaîne de contrainte » et se servit de son élan pour la contourner et atterrir sur le chemin. Ici, la structure du pays était un peu lâche et parfois des fragments de paysages se détachaient pour survoler la région. Ainsi le paysage était continuellement remodelé. C’était par contre bien plus gênant lorsque cela arrivait et les habitants n’avaient pas trouvé d’autres moyens pour sédentariser leurs logis et autres ateliers que de les amarrer par de grosses chaînes dès les premiers signes de sustentation. Cet art était une véritable industrie sur Haerokya si bien qu’on l’étendait parfois à des pans de relief trop importants qui se décrochaient. On agrémentait alors les chaines de ponts et d’échelles qui permettait de passer du plan principal à ses satellites si tant est que l’on pouvait les appeler ainsi.
Alvanyannni arriva enfin au village et salua le forgeron :
« Jolies braises Eadolys !
_ Merci ma belle ! »
Elle pirouetta machinalement sur elle-même pour reprendre son chemin au milieu duquel l’attendait son ami d’enfance. Tel une « amarre de contrainte », Jérémiah semblait figé, les mains derrière le dos comme un enfant pris en faute, malgré les 19ans qu’il partageait avec la jeune fille.
« Ma mère demande si tu viens manger ce soir
_ Ah non désolée, j’ai d’autres projets…
_ Ah ?...
Il sortit ses mains de derrière son dos
« Tiens j’ai trouvé cette orchidée aujourd’hui je crois que c’est ta préférée non ? »
Si ces fleurs n’étaient pas rare sur Haerokya elle n’en demeurait pas moins splendide et la variété de leur formes et de leurs couleurs ne cessaient, c’était vrai de ravir Alvanyannni.
« Oh ! Elle est magnifique ! C’est pour moi ?! »
Elle le gratifia d’un sourire et plaque un baiser sur le nez de son ami avant de reprendre sa course, ignorant de ce fait le far qui bisqua son visage.
« Dis à ta mère que je l’embrasse ! » cria-t-elle sans se retourner.
Impossible pour elle d’entendre le jeune homme marmonner :
« C’est ça je lui dirai… »
Quelques décamètres plus loin, elle entra chez elle par une échelle.
Maman je suis rentrée !
Une voix venue de l’étage lui répondit
_ Oui je t’ai vue par le fenêtre. Tu devrais arrêter de taquiner Jérémiah…
_ Mais je ne le taquine pas.
_ Ce pauvre garçon est transi pour toi. Tu pourrais...
_ Je ne lui ai rien demandé et j’ai autre chose à faire.
_ Mais c’est Jérémiah !
_ Justement c’est mon ami Jérémiah et c’est tout.
Son ton péremptoire se radoucit
_ Il est adorable, mais il ne sera jamais qu’un ami, mon meilleur ami, mais mon ami…
Sa mère arriva en bas de l’escalier
« Je suppose qu’il n’y a rien à dire contre ça ?...
_Non en ef… »
Une déflagration les interrompit net et pendant quelques secondes leurs oreilles bourdonnèrent, Alvanyannni vacilla alors que le sol trembla sous ses pieds. Son regard croisa celui de sa mère éperdue et comme mues par le même ressort, elle se précipitèrent à la fenêtre.
Quelque chose d’énorme était apparu au milieu du village. Une forme gigantesque, une aberration de vie telle qu’aucun cauchemar ne pouvait s’en approcher. Comme constituée de lambeaux de chair et de membres déformés sa tête hideuse enfoncé dans des épaules démesurées sa vue pétrifia les deux femmes dans la maison pendant un temps que la musicienne ne put évaluer. Puis la créature se mit en marche vers une cible qu’elle reconnut aussitôt :
« Jérémiah ! » Son cri sembla réveiller le jeune homme qui recula sans pouvoir détacher ses yeux du danger. Sans réfléchir elle se précipita hors de la maison. Le monstre s’était déjà saisi de sa proie qui gesticula brièvement entre ses mains avant de s’affaisser, marionnette désarticulée.
« Noooooon !!!! »
Saisissant la hache de son père fichée dans le billot de l’appentis, elle se précipita vers la montagne de violence en levant son arme. Ses yeux la brulaient tandis que la même pensée tournait et retournait dans sa tête et qu’elle luttait contre l’impression de courir au ralenti:
« Tiens bon Jérémiah ! Tiens bon ! »
Pas le temps de prêter attention à l’impression de se dissoudre qu’elle ressentait petit à petit. Tout devenait rouge et mouvant. Elle asséna un coup que seul le désespoir lui permettait mais un énorme bras l’écarta comme d’une pichenette et elle se sentie projetée dans le corral. Elle roula comme un fétu de paille, mais ne ressentit aucune douleur alors qu’elle se relevait, mais l’atmosphère semblait devenir opaque. La dernière chose qu’elle vit fut la fin d’un horrible repas et une deuxième silhouette enveloppée de noir venant flatter la créature. La lumière trop vive l’obligea à fermer les yeux. Elle se sentit disloquée et recomposée mille fois. Mille lumières et couleurs passaient devant ses pupilles brûlantes. Puis le blanc, seulement le blanc. Un blanc éblouissant. L’impression que son corps retouchait quelque chose de solide. Lorsque tout s’arrêta et qu’elle ouvrit les yeux, elle était recroquevillée, un genou au sol, les deux mains à plat sur une dalle de marbre. Les pensées affluèrent en même temps :
« Où suis-je ? Jérémiah ! »
Elle se redressa vivement.
C’est là que je l’ai aperçue. Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre à son air perdu que s’était sa première fois et comme quelqu’un l’avait pour moi j’ai essayé de la rassurer et de lui expliquer ce qui lui arrivait. L’elfe eut un petit sourire. Pas facile à calmer. Il fallait qu’elle retourne chez elle, gens était en danger… C’est hélas le lot de trop de nouveaux arpenteurs de vivre l’étincelle en des circonstances tragiques… Finalement elle accepta de me suivre à la bibliothèque. Les livres et ma persuasion ont fini par lui montrer qu’elle devait d’abord s’occuper d’elle et de ses nouveaux pouvoirs avant de penser à autre chose. Mais que lui voulez-vous ?
L’Enquêteur rangea ses parchemins.
« La routine, ne vous inquiétez pas »
Une fois qu’ils se furent éloignés l’Elfe rédigea un message…